Un conseil utile : accepter que la forme de son projet bouge. Laisser partir des choses. Toujours en se demandant : ‘Est-ce que ça a marché ?’ et ‘Est-ce que ça m’a plu ?’. Il faut la réponse ‘Oui’ aux 2 pour continuer
Doria
Interview
Bonjour Doria. Peux-tu te présenter en quelques mots ?
J’ai 30 ans, je suis d’origine toulousaine, je vis en couple, je n’ai pas d’enfant. Je fais du consulting créatif et ludique.
Avant de me lancer en indépendante, je travaillais dans l’édition de jeux de société. J’ai travaillé dans une boutique de jeux de société, puis dans 2 maisons d’édition de jeux de société à Paris. Je suis passionnée de jeux depuis que je suis toute petite.
A quel moment t’est venue l’envie d’entreprendre ?
En 2017, je me suis implantée en Bretagne, à côté de Saint-Brieuc, où vit ma famille maternelle. J’en avais ras-le-bol de Paris. Et ça ne se passait pas non plus très bien dans mon salariat à ce moment-là. J’aimais beaucoup mon métier mais je n’avais plus envie d’être dans ce rythme-là. J’ai fait une rupture conventionnelle.
Dans mon champ d’activité, ici, c’est très limité voire inexistant. Ou alors ce sont de micro-maisons d’édition et il n’y a pas de place. Il n’y avait pas d’offre débordante non plus dans la communication. La question s’est donc posée :
Quoi faire ici ?
J’avais besoin de prendre du temps et du recul pour me poser. Je me suis laissée un an pour réfléchir à ce que je voulais faire. Et aussi pour souffler, décrocher. Je me suis intéressée à la PNL (programmation neuro-linguistique) et à l’approche narrative. Je suis en amour de ces approches : une belle alternative pour regarder le monde différemment.
L’idée a peu à peu émergé de lier ces approches à mon activité d’édition de jeux. Proposer des supports ludiques, poétiques, pour faire du bien ou faire bouger les lignes. Un chemin d’introspection en douceur. Mais mon projet n’était pas celui-là au départ. Il a beaucoup bougé.
Quel a été ton déclic ?
Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain, mais au fur et à mesure. Je ne me rappelle pas d’un moment où je me suis dit que j’allais être entrepreneure et que j’allais monter ma boîte.
Je me suis rendue compte que ce qui me convenait, c’était quelque chose d’assez horizontal. La pyramide hiérarchique a du mal à passer. J’ai eu envie de faire ce que je veux de mon métier : des choix qui correspondent à mes valeurs ; des projets que j’ai envie de faire ; des lieux où j’ai envie d’aller.
Et puis j’avais envie d’organiser mon temps autrement : plus profiter de la vie, ne plus avoir un rythme calqué sur quelque chose qui n’a pas de sens.
Il s’est passé un an entre le moment où j’ai quitté mon poste et le moment où j’ai lancé mon projet. Je n’ai pas eu l’impression de quitter le monde du salariat pour créer mon entreprise. J’ai quitté parce que mon poste dans cette boîte et la ville ne me convenaient plus. C’était une page blanche, et j’ai créé quelque chose à partir de rien. Mes envies de projets se sont transformées en activité professionnelle.
J’ai d’abord créé ma 1ère société, L’Enjouée. Et de fil en aiguille, la 2ème, Taleüs. C’était pas prévu, mais c’est cool.
L’Enjouée, c’est un projet d’accompagnement thérapeutique par le jeu. J’ai adoré cette expérience, mais il me manquait un aspect concret. Je manquais profondément de feedbacks et de sentiment de concrétisation. Je me suis rendue compte que ça ne me convenait pas : j’ai décidé de changer de trajectoire. Pendant mes études (Master en ingénierie éditoriale et communication), j’avais fait mon mémoire sur le financement participatif. J’ai ré-axé mon projet et ma société dans cette direction. J’accompagne les porteurs de projet et créateurs d’entreprise dans leurs stratégie et réflexion sur leur campagne de financement participatif. Mon accompagnement se veut léger et plaisant. Que ce soit le plus fun et agréable possible pour ceux qui créent la campagne, ceux qui y participent.
Ma deuxième société, Taleüs, est une maison d’édition de créations ludiques (jeux de société, jeux de rôles ou livres-jeux) qui ont toutes une dimension soit pédagogique, soit engagée, soit de développement personnel ou professionnel. Soit un peu de tout ça. Les créations sont à destination des professionnels de l’accompagnement et des particuliers.
Qu’est-ce qui t’a permis de te lancer ?
Début 2018, j’ai intégré le réseau Entreprendre au Féminin en Bretagne (EAFB), dans le département des Côtes d’Armor. Leur formation Emergence m’a permis de poser ce que je voulais faire avant de me lancer. Je n’avais pas de statut, juste la graine du projet.
J’étais hyper admirative de voir toutes ces nanas se lancer en solo. Ça m’a inspirée, ça m’a donné la force de me lancer seule. Parce qu’au départ, j’étais partie sur un projet avec des amis. Ce qui m’a aidée, c’est de ne pas être seule avec mes questions, mes doutes, mes galères, sans comprendre certains trucs administratifs. Le fait d’avoir des interlocuteurs avec qui échanger sur les différentes phases et à qui demander leur avis, c’est hyper important pour moi.
En parallèle, ces dernières années, je me suis fait accompagner ponctuellement, dans différents domaines : énergétique, développement commercial et business, développement personnel, thérapie… Mais j’ai un rapport à l’accompagnement un peu compliqué. Certains accompagnements n’ont pas du tout fonctionné et m’ont plutôt ralentie qu’autre chose. Ce n’était pas les bonnes personnes ou les bonnes approches en face. Malheureusement, c’est difficile à savoir tant qu’on a pas essayé. J’ai voulu être trop accompagnée, explorer trop de trucs différents pour monter ma boîte. Et à un moment donné, ça m’a perdue. J’étais saturée d’informations et de pistes de réflexion. J’ai donc fait un break dans l’ensemble des accompagnements. C’était l’hiver, une saison où j’ai tendance à laisser reposer, où j’accepte d’être au ralenti. J’ai aussi accepté que certains types d’accompagnement n’étaient pas faits pour moi. Finalement, j’ai vu tout ça un peu comme un étayage : je prends ce que je veux. Je ne suis pas un panier vide qu’on doit remplir à tout prix. Aujourd’hui, quand je prends un accompagnement, je me demande :
A quoi ça va me servir ? Quels sont mes objectifs ?
J’identifie mieux mes besoins. Et je sais comment j’ai envie de bosser.
Quels sont les principaux obstacles que tu as rencontrés dans la création de ton projet ?
Le démarrage, les premiers clients. Parce qu’on ne sait pas trop comment ni où les trouver pour tester son offre et voir si ça marche. C’est difficile de se lancer.
La deuxième chose, c’est tarifer mon travail. Parce que c’est difficile quand on est sur de la prestation intellectuelle. Maintenant, j’ai adapté ma stratégie à base d’itérations. Je teste et je fais le point ensuite.
Et puis, ce qui est le plus challengeant pour moi dans la vie entrepreneuriale, ce sont les vagues : des vagues avec trop de taf, géniales mais stressantes ; puis des creux où on ne sait pas si on va travailler… Gérer les montagnes russes peut être usant. Et pour ça, il faut avoir du soutien quel qu’il soit, là où on le trouve. Pas forcément des professionnels de l’accompagnement… Moi, ce qui m’a aidée, ce sont les réseaux : rencontrer des gens et me faire des amis qui connaissent les mêmes vagues, rencontrent les mêmes obstacles.
Et aujourd’hui, où en es-tu ?
Mon activité de financement participatif a éclos au printemps 2020 et s’est développée toute seule. Les projets se sont enchainés assez facilement. Une dizaine de campagnes. Mais je n’avais pas envie que les préoccupations et la nécessité financières compliquent mon activité et son démarrage, et me forcent à prendre des projets auxquels je ne crois pas. Je voulais pouvoir choisir les projets et les clients. Du coup, j’ai repris un CDD d’assistante de communication, pour démarrer ce projet sur de bonnes bases. Je suis en salariat à 39 heures. Un poste très polyvalent, pour un an. Je trouve ça cool : c’est suffisamment long pour assurer une protection au cas où.
Mon objectif est ensuite de repasser sur mes 2 boîtes à temps plein, en 2022. Développer les 2 activités qui sont complémentaires : avec les 2 je concrétise des projets. L’une se nourrit de l’autre et vice versa.
Pour finir, as-tu un bon plan à partager ?
J’ai découvert un logiciel super pour tout gérer : Notion. C’est gratuit, et vachement cool. Génial pour quelqu’un comme moi qui a tendance à s’éparpiller dans plein d’outils : prise de notes, calendrier, Excel, Drive, solutions en ligne…
Penser à ouvrir 18 fenêtres de l’ordi avant de commencer à bosser, c’est pas idéal. Notion, c’est suffisamment ouvert pour avoir tout au même endroit. Très complet, et adaptable à tout type d’usage. Ça me simplifie grandement la tâche.
3 conseils à celles qui ont envie de se lancer ?
- Un conseil utile, c’est d’accepter que la forme de son projet bouge. Ne pas forcément s’obstiner parce qu’on s’est dit qu’on ferait ça. Tester plein de trucs, d’idées, de projets et d’offres. Puis faire le point. Et accepter de changer de voie si nécessaire. De laisser partir des choses. Toujours en se demandant : ‘Est-ce que ça a marché?’ et ‘Est-ce que ça m’a plu?’. Il faut la réponse ‘Oui’ aux 2 pour continuer.
- Rester en lien avec ce qui nous fait kiffer. A partir du moment où on arrête de kiffer, c’est qu’il y a un truc qui coince, qu’on a glissé dans une voie qui n’est pas forcément la bonne. C’est le plaisir qui est source d’énergie. Prendre soin de son plaisir.
- S’entourer, être en lien avec des personnes ressources, identifier les personnes qui vont soutenir le projet. Pour moi c’est : les réseaux, les groupes d’entrepreneures, certains membres de ma famille. C’est hyper important d’avoir des interlocuteurs qui croient en notre projet et croient en nous.